Illustration © Thomas Quack
INSTALLATIONS ARTISTIQUES DANS LE PAYSAGE
VALLÉE DU LOT
« Lo(s)t In Transition(s)! prend la forme d’une investigation artistique explorant les imaginaires de la transition dans l’écosystème de la vallée. La transition est au centre des controverses actuelles, engageant tout autant le nom d’un ministère qu’un univers alternatif et activiste. Succédant au développement durable, la transition envahit les discours politiques comme la voie à suivre, alors que nous faisons concrètement face à une situation de violence des phénomènes tout autant sociaux que climatiques. Rupture ou évolution, transformation douce ou révolution, les perpectives qui se dessinent sont multiples, parfois antagonistes… Dès lors, comment se positionner en tant que citoyen mais aussi qu’architecte et artiste ? Comment déplacer et se déplacer dans nos pratiques et activités ? Comment changer nos modes de vie dans une perspectives collective et joyeuse pour formuler de nouveaux récits positifs ? Comment faire territoire et paysage (en) commun ?
Face à ces champs théoriques et politiques en reconfiguration radicale, se mette en mouvement et ré-ancrer la réflexion au réel des territoires constitue l’hypothèse première de l’équipe artistique: assumer l’inconnu, documenter, baliser et mettre en récit ces nouvelles géographies, se perdre ensemble pour retrouver des repères communs. Les installations présentées dans les villages et les sites naturels visent à révéler et à mettre en récit la réalité de cette vallée et les problématiques qui la traversent, esquissant une utopie positive, créatrice de pensée et de sens commun pour habiter mieux le territoire, inviter à de nouvelles coopérations vivables et inachevées. »
ETIENNE DELPRAT ET MARTINE MICHARD, CO-COMMISSAIRES
Lieu : Vallée du Lot
Associés : Labor Fou, Tibo Labat
GET LOST
ITINÉRAIRE DE RANDONNÉE A3 RISO RV, 1000 EX., 2019
Get Lost — se perdre, s’égarer — appelle à lâcher certitudes et pratiques du quotidien, à engager les déplacements d’affects et de positionnements que la transition nécessite. En écho à l’exploration initiale et afin de concrétiser l’invitation à faire un pas de côté, l’équipe artistique propose un itinéraire de randonnée. Cette balade est à la fois prétexte à rencontrer les œuvres autrement, à les percevoir depuis différents points de vue et à chacun de prendre le temps d’éprouver ses propres contradictions. Get Lost se présente sous forme d’une édition à la fois carte, protocole, mémoire, rassemblant bribes de textes, d’images et de dessins. Ce multiple, conçu par les artistes, est une incitation à la mise en mouvement des corps et des idées.
MAGCP, CENTRE D’ART CAJARC
RUMORES DE TRANSICIÓN
FILM, INSTALLATION SONORE ET OBJETS, 2019
L’installation immersive réalisée avec Adrianna Quena constitue la documentation atmosphérique de la randonnée-exploration qui a ouvert l’aventure. Cette mission post-scientifique, tentative de balisage dérisoire dans son échelle et ses outils – visait une « mise en mouvement » collective et située. Son processus et la qualité de ses expériences ont produit autre chose que les relevés et analyses scientifiques annonçant, depuis des décennies, la catastrophe à venir. Des kilomètres de conversations intermittentes sont tissés pour recréer la sensation de se perdre ensemble, de se réunir pour se perdre. Le murmure se poursuit dans la salle du centre d’art, cherchant à étendre de nouvelles résonances entre les spectateurs, nouveaux explorateurs maintenant associés. Une hypothèse de fond se dégage alors : peut-être est-ce à l’échelle des situations, dans l’expérience de la rencontre et l’élaboration d’actions collectives ancrées dans le territoire que se joue le futur d’une transition en acte.
MAGCP, CENTRE D’ART CAJARC
MIRE(S)
DESSIN MURAL, 2019
TECHNIQUES MIXTES, FORMATS VARIABLES À DIFFÉRENTS POINTS DU PARCOURS, 2019
Dans son désir d’explorer le territoire et de trouver de nouveaux repères – physiques, imaginaires, sémantiques, sensibles, théoriques – l’équipe a dû produire des outils de relevés et de repérages capables de faire face à l’inconnu. La mire et ses protocoles d’usage conçus à l’intersection des échelles — celles des corps, des pensées, des lieux et des paysages — constitue un dispositif performatif de balisage, de calibrage et d’échanges. Telle une boussole, la mire est ce par quoi on vise un horizon. Elle mesure notre rapport au terrestre et notre distanciation à celui-ci. Outil post-scientifique, elle permet de faire signal, marquer l’arrêt face au paysage, questionner collectivement des situations, dans une vaine tentative de baliser des devenirs. Signe de rassemblement, elle intègre le paysage sous différentes formes, à plusieurs points du Parcours.
MAGCP, CENTRE D’ART CAJARC
RÉ-ASSEMBLÉ·E·S
Essai de géométries politiques
CHAISES, CELLOPHANE, BOIS PEINT EN BLANC ET TECHNIQUES MIXTES, 2019
L’assemblée des chaises propose un processus performatif qui interroge nos lignes de vie dans un monde abîmé. Glanées au l des résidences, ces chaises fabriquent un portrait en fragments de la communauté qui habite le territoire. L’acte artistique consiste alors en une succession de gestes mineurs de soin, de réparation, d’assemblage et de déplacement qui appellent nouveaux imaginaires, mises en débat et expérimentations. Les dessins au mur sont autant de propositions schématiques d’assemblées philosophiques, éthiques, économiques… Les visiteurs peuvent se les approprier, voire inventer leurs
propres confugurations collectives pour engager des controverses. En ce sens, les chaises et leurs mises en mouvement deviennent l’occasion d’explorer certaines géométries politiques associées aux injonctions qui nous sont faites et à leurs possibles dépassements.
LARNAGOL – LES TERRASSES
HYPERLIEN
INSTALLATION, BOIS PEINT, 2019
Larnagol est une « zone blanche » au statut controversé à l’heure où certains les recherchent, quand d’autres exigent la présence du réseau. Souvent cachés, les composants de ces réseaux -câbles et ondes- sont invisibles à l’œil, mais traversent cependant nos territoires. Hyperlien dessine un trajet de haut en bas du village, met en scène et porte attention à la qualité des lieux et des gestes : s’asseoir, lire, discuter… L’installation s’appuie sur la richesse de l’existant : des terrasses bucoliques et une bibliothèque commune. Ce lieu autogéré arrive comme un point d’interrogation et une invitation : quelles valeurs produisent ces situations indépendantes d’accès aux savoirs, aux loisirs, au partage ? Loin du néo-romantisme anti- technologique (zone blanche = zone de liberté), l’installation tend à révéler les autres ressources qui maillent nos quotidiens. Plutôt que de s’imposer au plus court et au plus e cace, elle souligne l’existant, cadre et révèle le paysage : la crête de la falaise, la perspective du village sur l’autre rive, la magnificence des rosiers…
CALVIGNAC – SALLE PAROISSIALE
MUSEUM DES.ORIENTATION(S)
BOIS BRUT, PHOTOGRAPHIES N/B, LUMIÈRE, 2019
Le volume cubique de la salle s’e ace sous une palissade de bois brut qui reconfigure l’architecture et ouvre sur le paysage de la vallée. L’ellipse formée par les planches de bois dressées -comme des menhirs- peut évoquer les trajectoires des corps célestes en orbite.
Ici cependant, point d’univers galactique à contempler, mais la vision d’un paysage morcelé, tenu en embuscade dans les interstices entre les planches. Évocation de notre difficulté à nous orienter face au déboussolement qui nous guette, le panoramique de photographies en noir et blanc est volontairement brouillé. Des détails de paysages de la vallée, retravaillés jusqu’à s’abstraire parfois, ne sont perçus que partiellement. Il faut jouer d’aller-retour et déjouer le rythme imposé par le séquençage pour reconstituer l’ensemble de l’image composite. Ce petit « musée », traversé par tous les vents, le paysage et la situation constitue une forme d’exploration poétique et obsessionnelle des points d’accroches possibles, des repères inconnus ou oubliés, d’une nouvelle cosmogonie à construire.
CALVIGNAC – ROCHER DE LA BAUME
TABLE DES.ORIENTATION(S)
BOIS BRUT, BOIS PEINT, 3 X 2,40 M, 2019
La situation singulière et spectaculaire du Rocher de la Baume suffit à nous rappeler notre nature humaine et organique, à l’échelle de la géographie de la vallée et de l’histoire terrestre dans laquelle nous nous inscrivons. La table d’orientation installée sur la plateforme haute, n’a pas pour ambition d’indiquer de futurs points de repère. En écho aux mires qui ponctuent le Parcours, elle est une invitation à la pause, à la convivialité et à la contemplation : prendre le temps de se retrouver soi-même, de s’arrêter, seul ou à plusieurs, de dialoguer avec le territoire, d’écouter la rivière… Se saisir de l’expérience d’un paysage ouvert à toutes les directions pour pointer l’urgence d’une ré-orientation de modes d’existence vers une intelligence collective de l’espace. Cette table ovale fait écho au Museum des.orientations qui déploie la même forme en creux, au cœur du village.
CÉNEVIÈRES – CAMPING/ TERRAIN DE FOOT
ARCHITECTURE BUISSONNIÈRE
CARAVANE, DIVERS OBJETS DE RÉCUPÉRATION, TECHNIQUES MIXTES, 2019
La fonte des glaciers, la raréfaction de l’eau, l’aggravation de la submersion côtière, la hausse des épisodes de sécheresse, les rendements agricoles en berne, le tourisme menacé, voici la liste non-exhaustive de ce qui nous attend d’ici 2050… Le tableau n’est certes pas enthousiasmant ! Planté au milieu d’un terrain de football déserté pour l’été, cet habitat nomade, bricolé avec des ressources locales, rassemble des visions de la transition, des plus sereines aux plus catastrophistes. Savoir que le risque est là, sans pour autant se morfondre, telle en est la philosophie. Cette forme paradoxale au camouflage disruptif esquisse une cabane survivaliste échouée sur la pelouse. Entre absurde de la situation et invitation sincère à l’errance, la caravane amphibie est une arche de Noé impossible et joyeuse, un prétexte pour découvrir de nuit l’immensité du ciel… Ode à la désertion, l’installation offre de prendre la tangente, de laisser errer nos imaginaires, d’inventer des formes aux nécessaires écoles buissonnières de la transition.
SAINT-MARTIN LABOUVAL – PONT DE CHEMIN DE FER
ANIMAMOTIX
PEINTURE SUR BOIS, 2019
L’ancienne voie de chemin de fer constitue une des infrastructures fortes de la vallée, témoin de son histoire industrielle et minière. Pour autant, après seulement un siècle d’usage, elle a connu l’abandon. Réinvestie par les plantes pionnières, elle est ainsi devenue un écosystème en soi, refuge et cheminement pour les animaux, leur permettant d’éviter les routes et de changer de rives. L’accroissement critique des taux de disparition et de mises en péril de nombreuses espèces est sans doute l’une des réalités les plus impalpables du désastre écologique actuel. Elle en constitue pourtant un des effets aux conséquences les plus critiques pour l’avenir de notre planète.
Alors que rien n’est fait pour enrayer cet effondrement de la biodiversité, certains imaginent une nature numérique complètement dénaturée et se lancent dans de drôles d’expériences : construire des robots animaux ! Quelque part à Boston (USA), une entreprise s’évertue par exemple à les faire courir…
MAISONS DAURA – SINT-CIRQ LAPOPIE GALERIE ET JARDINS
SOUVENIRS TERRESTRES
AIR ET EAU, TECHNIQUES MIXTES, 2019
Aux Maisons Daura, l’équipe artistique s’est emparée des lieux en vue de produire une nouvelle économie fondée sur l’extraction et la valorisation des matières premières composant les paysages de la vallée.
Depuis les jardins, un tuyau industriel connecte une structure pseudo-médiévale à la fraîcheur de la galerie, devenue boutique pour l’occasion. S’y trouvent deux machines, à l’esthétique Do It Yourself, signalant une exploitation en cours. Réalisées en réemploi des matériaux laissés par les précédentes résidences, ces machines Air et Eau fabriquent un Nouveau Produit du Terroir. Profitant de la situation touristique, tout en la tournant à l’ironie, l’équipe artistique crée un magasin de souvenirs. Chacun peut y acquérir à bas prix, un souvenir de son séjour à Saint-Cirq Lapopie : Eau du Lot et Air de la Vallée. La « labellisation » artistique légitime des processus de marchandisation et d’appropriation de biens communs, pourtant illégitimes. En hybridant les logiques d’économie touristique du village aux phénomènes planétaires de privatisation des ressources, ce commerce éphémère questionne notre posture de touriste et plus globalement de consommateur. Il exacerbe les logiques de tourisme vert, autour d’un village-fiction muséifiant sa culture et ses paysages, tout en les transformant en parkings. Ce concept-store, nous place dans un paradoxe : acheter un artefact des lieux en participant à la privatisation de ces biens communs, ou trouver d’autres formes de souvenirs, donc d’expériences et de rencontres avec les lieux que l’on traverse.
RANDONNÉE – EXPLORATION
19-20 et 21 Avril 2019
Durant trois jours, vêtue de vestes blanches, munie de sac à dos, de talkie-walkie et d’un cerf-volant, l’équipe artistique a parcouru la vallée du Lot accompagnée de ceux qui souhaitaient participer à l’expérience, habitants de la région, curieux, amis… La randonnée a débuté à Saint-Cirq Lapopie pour se terminer à la MAGCP à Cajarc en traversant les causses et les vallées du site. La marche était ponctuée de nombreux arrêts propices à déployer la mire et ouvrir des discussions. Cette exploration a constituée une expérience sensible et partagée du territoire permettant d’amorcer la suite de la résidence.
Vidéo © Adrianna Quena